La question d’investir éthique est récurrente, non seulement pour nos amis Pastéquiers, mais aussi pour Thomas et moi. Et si la solution, c’était le crowdfunding ? Premier élément de réponse : en français, on dit financement participatif. Second élément de réponse : ça ne tient pas en une phrase, alors c’est parti pour petit tour d’horizon… suivez le guide pour les investisseurs en financement participatif !

C’est quoi le financement participatif ?

Comme nous sommes des gens malins, Thomas et moi, nous avons déjà rédigé un item dans notre glossaire, qui présente le financement participatif. Habile, non ? Nous pouvons donc le paraphraser ci-dessous.

Le financement participatif consiste à faire appel à une multitude d’investisseurs, souvent des particuliers, pour apporter les fonds nécessaires à la réalisation d’un projet.

Note de Thomas : si vous découvrez seulement le glossaire, allez y faire un tour pour devenir incollable sur le vocabulaire financier pour épatez vos proches aux repas de famille.

On peut distinguer plusieurs formes de financement participatif :

  • Les dons, avec ou sans contreparties : le porteur du projet propose des récompenses (ou non) aux personnes qui contribuent. La référence du domaine est la plateforme Kickstarter. C’est via ce type de financement que des marques comme MVMT ont commencé. Souvent, ces campagnes s’apparentent à des préventes, comme dans le cas des montres MVMT que l’on a mentionné. Dans notre perspective, ce type de financement participatif ne nous intéresse pas beaucoup : donner sans contrepartie, ou même en échange de bibelots n’est pas une stratégie d’investissement !
  • Les prêts : dans ce cas, les investisseurs accordent un prêt à un particulier ou à une entreprise, et sont rémunérées à hauteur d’un certain taux d’intérêt. Les taux sont souvent élevés, et reflètent les risques accrus de cet investissement. On parle aussi de Crowdlending ou de prêt participatif pour désigner cette catégorie du financement participatif.
  • L’investissement en capital : l’idée ici est de faire appel au grand public pour investir dans une entreprise, souvent une jeune entreprise, ou dans un projet immobilier. Les investisseurs deviennent alors actionnaires de l’entreprise. On parle de Crowdequity.

Le financement participatif permet aux entreprises et aux particuliers de financer des projets qui n’auraient pas pu l’être par les canaux traditionnels (banques, fonds, etc.). On observe que le financement participatif est très efficace pour des types de projets bien particuliers.

D’une part, des jeunes projets, et des tests. C’est le cas des tentatives de prévente en mode don avec contrepartie, et des investissements en capital, qui permettent tous deux de valider un projet auprès d’une population, et ainsi de se mettre le pied à l’étrier !

Note de Thomas : La plateforme Kickstarter est bien connue des entrepreneurs en tout genre, car elle permet de “tester son marché”. Avant de vous lancer dans la production à la chaîne, mettez une annonce sur Kickstarter et voyez ce que les gens en pensent. Si les précommandes affluent, alors vous pouvez lancer la production. Vendre d’abord, fabriquer ensuite !

D’autre part, des projets de petite échelle, des projets locaux, éthiques, responsables et durable bénéficient également du développement du financement participatif : on trouve ainsi des plateformes entièrement dédiées à ces projets, comme Tudigo. En outre, le gouvernement français a créé le label “financement participatif de la croissance verte”, sur lequel nous reviendrons plus bas.

Le financement participatif comme investissement

Après cette brève introduction sur ce qu’est le financement participatif, intéressons-nous y du point de vue des investisseurs. Commençons avec notre perspective classique de mesure de la performance, en comparant le risque et le rendement du financement participatif. Attention, nous allons parler chiffres ! Vous avez le droit de sauter à la section suivante si les cours de maths vous rappellent des mauvais souvenirs.

Il apparait d’emblée que le financement participatif est plus risqué que les investissements classiques que nous pouvons faire via en achetant des actions, obligations ou fonds d’investissements. N’oublions pas que c’est la raison principale pour laquelle certains projets ont recours au financement participatif : parce qu’ils ne peuvent pas se financer par les canaux traditionnels (qui les jugent trop risqués). Dans le cas des prêts participatifs et bancaires, on peut observer les taux d’intérêt suivants : 

PlateformeTaux d’intérêt moyen
Prêt UP8.5%
Lendopolis7.5%
Younited Credit5.6%
Credit.fr7.1%
Wesharebonds6.7%

La tendance est assez claire : le taux d’intérêts d’un emprunt en financement participatif est aux alentours de 7-8%. En contraste, la Banque de France nous indique que les taux pour les entreprises souhaitant financer des équipements ou fonds de commerce, avec des échéances similaires aux taux ci-dessus, est de 1.4%. Certes, ce taux est un taux moyen, et il y a fort à parier que les petites structures s’acquittent d’un taux plus élevé. Mais il est peu probable qu’elles payent 5 à 6 fois plus, comme c’est le cas avec des prêts participatifs !

Du côté des investisseurs, cela signifie que le financement participatif offre en moyenne un rendement plus élevé que les prêts traditionnels.

Nous l’avons dit et répété, un rendement élevé n’est pas à lui seul un indicateur d’une performance élevée. Si vous prenez un risque énorme, alors peu importe votre rendement. Observons donc ce qu’il se passe pour nos deux mastodontes français du prêt participatif :

Chez Younited Credit, environ 3% des emprunteurs sont en défaut à 1 an, 7% à 2 ans, 9% à 3 ans, et entre 9% et 10% à quatre ans (le taux de défaut semble se stabiliser à partir de 3 ans). Prêt Up affiche un taux de défaut global de 9.7%, et credit.fr de 6.6%.  Ces taux de défauts sont très élevés par rapport à la moyenne nationale : c’est donc bien un investissement risqué !

Les plateformes de financement participatif mettent donc l’accent sur la diversification : il ne faut pas financer un seul projet, mais une multitude, pour diversifier les risques. Younited Credit propose d’ailleurs cette approche, car les investisseurs n’investissent pas projet par projet, mais pour l’ensemble des projets d’un pays défini (France, Espagne, Italie). Le résultat est le suivant : 2.8% de rendement annuel. C’est un rendement assez standard pour des obligations d’entreprises : Le fond d’investissement Lyxor Euro Corporate Bond, qui investi dans des obligations d’entreprises européennes, affiche une performance annuelle moyenne de 1.8%, et le fond d’investissement Amundi Fund Bond Europe affiche lui une performance annuelle moyenne de 3.6% sur les 5 dernières années.

Et alors ? Il semble que la performance des prêts accordés en financement participatif, malgré leur taux d’intérêt très élevé, ne parvienne pas à battre les prêts traditionnels. Les taux de défauts élevés compensent en partie les taux d’intérêts. Il faut donc se méfier des offres trop alléchantes !

Quelles conséquences pour l’investissement éthique ?

Nous pouvons déjà tirer deux enseignements de notre analyse ci-dessus. Si nous voulons financer des projets via le financement participatif, nous avons deux choix :

  • Demander des taux d’intérêts élevés, ce qui pourrait être perçu comme immoral et non éthique. 8% par ans, c’est cher !
  • Demander des taux d’intérêts faibles, ce qui va affecter négativement votre patrimoine : les pertes dues aux défauts des uns ne seront pas compensées par les intérêts payés par les autres.

Mon opinion est que de maintenir des taux d’intérêts élevés est nécessaire : si vous choisissez de faire payer des taux plus faibles, alors votre patrimoine ne vous permettra pas de soutenir autant de projets que si vous demandez des taux d’intérêts élevés.

La voie la plus directe, si vous souhaitez financer des projets et qu’obtenir des rendements (des taux d’intérêts) ne vous intéresse pas, est de faire des dons à des associations, ou des prêts à taux zéro. Au moins, l’impact est clair et mesurable, on n’a pas de surprise, et on peut maitriser précisément quelle partie de notre patrimoine nous souhaitons donner à des entrepreneurs ou particuliers dont les projets nous tiennent à cœur.

D’un autre côté, si nous souhaitons soutenir le plus de projets possible, alors nous devons exiger des taux d’intérêts élevés. Ceux-ci nous permettrons de maintenir et d’augmenter notre capacité à aider des entrepreneurs et des particuliers dans leurs projets.

Rappelons que ces transactions ont lieu entre des parties consentantes : l’entrepreneur qui fait appel aux financements sur une plateforme de financement participatif le fait de son plein gré. Il est possible qu’il eut préféré passer par une banque pour obtenir des financements moins onéreux, mais cette option n’existe pas pour tous les projets. Si les banques finançaient tous ces projets, elles devraient augmenter les taux qu’elles appliquent, et elles deviendraient encore plus risquées qu’elles ne le sont aujourd’hui. Il suffit de regarder l’état des banques italiennes pour avoir un aperçu de ce genre de politique. En bref, ça coute cher au contribuable !

Notre meilleure chance d’avoir une approche éthique ici est donc de financer, dans des conditions normales, des projets qui sont éthiques. L’éthique vient du projet et pas du mode de financement. Explorons comment faire !

Investir dans des projets éthiques : un petit guide

Nous allons ici suivre plusieurs étapes pour vous permettre d’investir éthique grâce au financement participatif. Notre but, il est important de le définir clairement, est de maintenir ou accroître notre capital, tout en ayant une approche respectueuse de l’humain et de l’environnement. Nous cherchons donc un équilibre entre les deux – si nous voulions tout sacrifier au profit du second volet, je vous suggère simplement de faire des dons à des associations. C’est une option possible, mais ce n’est pas celle que nous allons développer ici.

Il y a deux choses à vérifier pour investir éthique dans le financement participatif. Il faut :

  • Vérifier la fiabilité de la plateforme sur laquelle nous allons investir
  • S’assurer que le projet correspond à nos critères éthiques.

Le choix de la plateforme

Commençons par le choix de la plateforme. C’est le plus barbant, mais aussi le plus simple, expédions-le donc vite ! 

Rendez-vous sur la page de recherche d’intermédiaires sur le site de l’ORIAS : https://www.orias.fr/web/guest/search

Cherchez le nom de la plateforme dans le champ de recherche, et assurez-vous que la plateforme est bien accréditée comme “Conseiller en investissements participatifs (CIP)” ou comme “Intermédiaire en Financement Participatif (IFP)”. Le premier statut (CIP) est dédié aux plateformes offrant des investissements dans des entreprises (les investisseurs deviennent actionnaires), et le second statut (IFP) concerne les plateformes proposant aux investisseurs de prêter à des entreprises ou des particuliers.

Faisons quelques tests pour vérifier que tout va bien. Nous vous avons parlé plus haut dans l’article de plusieurs plateformes : Sowefund fait du financement en capital, et devrait donc être accréditée CIP : 

Sowefund est CIP, tout va bien !

Du côté de Lendopolis, qui propose des prêts, la plateforme devrait être accréditée IFP :

Ouf, Lendopolis est IFP (et CIP aussi!)

Tout va bien, aucun souci à relever de ce côté : nous avons pu valider que ces plateformes sont bien régulées, et donc que nous serons protégés en tant que consommateur en utilisant ces plateformes. Nous pouvons à présent nous pencher sur le choix des projets !

Le choix des projets

L’approche la plus facile consiste à déférer le choix du projet à une autre personne, par exemple l’état français et son label croissance verte. Le ministère de la transition écologique fournit en effet une liste des projets labélisés : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/label-financement-participatif#e4 . Nous savons donc par exemple que nous pouvons investir dans Ekwater, qui respecte les critères du label :


Si nous le souhaitons, nous pouvons également étudier le projet nous-même. Il faudra alors souvent s’identifier sur le site pour accéder aux détails du projet, et vérifier qu’il correspond à vos critères personnels. Certaines plateformes font de l’éthique à 100% : c’est le cas de Tudigo. Vous pouvez vous y diriger pour dénicher des pépites !

Comme toujours, nous nous devons de rappeler la règle d’or : même si vous trouvez un projet qui vous semble génialissime, irrésistible, incroyable, sûr de fonctionner à 100%… Vous devez diversifier vos investissements. Le financement participatif est souvent plus risqué que les investissements traditionnels. Comme nous avions pu le mentionner dans notre article dédié, nous vous recommandons donc d’investir au minimum dans 10 ou 15 projets en même temps. Le plus simple est de décider d’une enveloppe que vous allez investir sur tous les projets qui vous plaisent. Par exemple, vous pouvez investir 200€ par mois sur de l’investissement participatif. Au bout d’un an, vous aurez investi 2400€ sur 12 projets. Si vous obtenez votre augmentation, passez à 250€ l’année suivante, et continuez à augmenter le nombre de projets. Cette approche vous laisse en outre le temps de mieux choisir les projets au fur et à mesure, plutôt que de devoir en choisir beaucoup d’un coup ! Et si possible, variez également les plateformes sur lesquelles vous investissez.

Il faut également noter que le financement participatif est particulièrement illiquide : n’investissez que si vous n’aurez pas besoin de votre argent avant (très) longtemps !

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